Nature en ville : espaces verts et matière grise

Aujourd’hui, la nature est au coeur de l’attractivité des villes, elle est un équipement public du XXIe siècle. De plus en plus, les citoyens réclament que la nature entre en ville, et de nombreuses initiatives voient le jour, souvent soutenues par les municipalités, comme l’expansion des jardins partagés, la végétalisation des murs ou des pieds d’arbres. Paris a par exemple augmenté sa surface d’espaces verts de près de 400 hectares en 40 ans pour atteindre 1420 hectares en 2017, soit 13% de la surface totale de la ville [1].

La présence de la nature en ville est bénéfique à la fois pour le développement durable de la ville elle-même, et pour ses habitants. En effet, les espaces verts régulent naturellement la température des villes, purifient l’air et favorisent la biodiversité [2]. De plus, les espaces verts favorisent la santé physique des habitants en proposant des écrins de calme où ils peuvent se reposer, ou effectuer des activités physiques. Mais au-delà de ces bienfaits pour la santé, les parcs, les rues verdoyantes, la végétalisation des murs et des trottoirs, feraient-ils également du bien à notre cerveau ?

 

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Des études rapportent que l’exposition à la nature pourrait avoir un effet réparateur sur nos fonctions cognitives, notamment sur notre attention [3,4]. En effet, lorsque nous déplaçons en ville, nous devons diriger notre attention vers des éléments urbains pertinents (les feux piétons, les voitures qui passent …) tandis que notre attention est par ailleurs captée automatiquement par des informations provenant de notre environnement (des voitures qui klaxonnent, des lumières qui clignotent …). Ainsi, dans la ville, nos ressources attentionnelles sont sollicitées et peuvent s’amenuiser. En revanche, dans les environnements naturels, nous sommes soumis à moins de stimulations, et nous avons moins besoin de diriger notre attention vers des éléments de l’espace, ce qui pourrait bénéficier à nos capacités attentionnelles. Pour tester cette hypothèse, des chercheurs ont demandé à des participants de marcher 30 minutes dans la nature ou dans la ville, puis d’effectuer une expérience nécessitant un fort niveau d’attention avant et après leur marche. Les résultats montrent qu’après une marche dans un parc, les participants étaient plus performants qu’avant la marche, mais ceci n’était pas vrai dans le cas de la marche en ville. D’après les auteurs de l’étude, ces données suggèrent que l’exposition à la nature permet à notre attention de se restaurer, et d’ainsi améliorer son fonctionnement [3].

De façon intéressante, observer des scènes naturelles suffit pour observer les mêmes effets bénéfiques [3,4]. Des études montrent d’ailleurs qu’avoir une vue sur la nature améliorent les performances, mais également le bien-être émotionnel, en favorisant les émotions positives et en diminuant les émotions négatives [5]. Récemment, des chercheurs ont testé l’effet d’une marche dans la nature d’une durée d’1h30 sur la propension à ruminer, et sur l’activité d’une région du cerveau associée à ce même type de comportements, le cortex préfrontal sub-genual. Ils ont observé une diminution de la rumination et de l’activation du cortex préfrontal sub-genual chez les personnes ayant marché dans la nature, mais aucune modification chez les personnes ayant marché en ville [6].

L’ensemble de ces données suggèrent que les espaces verts ont des effets bénéfiques sur le fonctionnement cognitif. Ces résultats ne sont pas si étonnants si l’on considère que les environnements urbains sont récents dans l’évolution de l’homme, que nos cerveaux ont évolué dans des environnements naturels et y sont donc plus adaptés. Ainsi, il parait donc capital de promouvoir l’accès à la nature au sein des villes, et les initiatives visant à végétaliser les espaces urbains. Cependant, notons que les villes privilégient souvent ces initiatives dans les quartiers plus touristiques ou plus fréquentés. Or, il a été montré que le fait d’installer des espaces verts sur des terrains urbains abandonnés pouvait diminuer la violence et le stress des habitants de ces quartiers [7]. Il est donc crucial de promouvoir la nature en ville, mais dans toute la ville.

Chez [S]CITY, nous pensons que l’interaction de la planification urbaine et des données sur le comportement et le fonctionnement cognitif humain revêt un très fort enjeu, en permettant de concevoir des villes plus adaptées aux besoin des habitants.

 

Emma et la [S]CITeam

 

Références bibliographiques :

[1] https://www.apur.org/dataviz/evolution_nature/index.html

[2] Lee, A. C. K., Jordan, H. C., & Horsley, J. (2015). Value of urban green spaces in promoting healthy living and wellbeing: prospects for planning. Risk management and healthcare policy, 8, 131.

[3] Berman, M. G., Jonides, J., & Kaplan, S. (2008). The cognitive benefits of interacting with nature. Psychological science, 19(12), 1207-1212.

[4] Valtchanov, D., & Ellard, C. G. (2015). Cognitive and affective responses to natural scenes: effects of low level visual properties on preference, cognitive load and eye-movements. Journal of environmental psychology, 43, 184-195.

[5] McMahan, E. A., & Estes, D. (2015). The effect of contact with natural environments on positive and negative affect: A meta-analysis. The Journal of Positive Psychology, 10(6), 507-519

[6] Bratman, G. N., Hamilton, J. P., Hahn, K. S., Daily, G. C., & Gross, J. J. (2015). Nature experience reduces rumination and subgenual prefrontal cortex activation. Proceedings of the national academy of sciences, 112(28), 8567-8572.

[7] Branas, C. C., Cheney, R. A., MacDonald, J. M., Tam, V. W., Jackson, T. D., & Ten Have, T. R. (2011). A difference-in-differences analysis of health, safety, and greening vacant urban space. American journal of epidemiology, 174(11), 1296-1306.

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